Être écrivain, c’est d’abord raconter des histoires. Un peu comme les politiques, sauf que les conséquences ne sont pas à l’échelle d’un pays, voire de plusieurs. En plus d’une bonne histoire, on peut, en parallèle, parler de sujets de fond, faire un peu de philo, de poésie, et surtout poser des questions. Car écrire, c’est aussi poser des questions. Pas forcément y répondre, mais faire en sorte que le lecteur se les pose et surtout qu’il cherche ses propres réponses. Bref, amener de la réflexion.
Il parait que je suis écrivain. Sauf que comme la majorité de mes collègues, je n’en vis pas. Donc, j’exerce un second métier : formateur en formation professionnel. Ce qui signifie qu’au long d’une année, je côtoie beaucoup de personnes cherchant un emploi. Je fais de mon mieux pour les accompagner et les faire monter en compétence. C’est un métier que j’adore, même s’il est extrêmement fatigant et pompeur d’énergie. Mais apporter sa pierre et transmettre des savoirs, du moins le si peu que je possède, c’est toujours ça.
La plupart de ces personnes ont souvent eu des parcours chaotiques, difficiles, en dents de scie et avec des échecs. Ils m’en parlent durant les pauses et ils en parlent entre eux. De ce qu’ils ont vécu, mais de leurs espoirs aussi. Leur vécu me bouleverse quelquefois. Souvent, la vie les a laissés de côté sur le bord du chemin. Alors, ils essayent de se remettre en route comme ils peuvent en s’accrochant à tout ce qui pourrait leur permettre de continuer dignement. Et puis, au bout de quelques jours quand tout le monde a bien fait connaissance, ils se mettent à parler politique. Et ce que j’entends me fait froid dans le dos bien souvent. Ces laissés pour compte, gentils, agréables, humains solidaires, qui ont connu la précarité ou en ont frôlé les limites, ont des idées bien arrêtées et très radicales. Je ne m’en mêle pas. Je laisse dire tant que ce n’est pas en salle de cours. J’écoute, sans intervenir .
Et je constate.
Plus de la moitié des personnes que j’ai côtoyées ces derniers mois va voter Le Pen aux prochaines élections. Les sirènes de l’extrême droite sonnent aux oreilles des plus démunis qui ont le sentiment définitif d’avoir été trahis depuis trop d’années par les classes politiques traditionnelles, gauche et droite confondues. Depuis des lustres, ils se sont sacrifiés, ont voté comme on leur disait de voter pour le monde meilleur qu’on leur promettait, mais que personne n’a jamais vu venir. Désormais, la coupe est pleine. Et ils le disent entre eux : Le Pen présidente.
Ces derniers jours, le discours s’est même amplifié. Depuis que Donald Trump est président. « Si c’est possible aux États-Unis, pourquoi pas en France ? Il a raison, Trump, de virer les étrangers, les musulmans, de faire revenir les emplois dans le pays au lieu de délocaliser… On devrait faire la même chose… » Et ainsi de suite. Si c’est possible aux États-Unis…
Alors, je regarde, j’écoute, je lis ce que disent les médias qui pronostiquent un duel Fillion-Le Pen au second tour, ou Mélanchon-Le Pen, ou n’importe qui d’autre face à Le Pen, toujours au second tour.
Mais… qu’en est-il du premier tour ? Suis-je donc le seul à me dire qu’elle pourrait passer dès le premier tour ??? Cette majorité silencieuse à qui on ne demande jamais rien, et qui garde en secret ses vraies intentions, ne va-t-elle pas élire en masse un Trump au féminin ? Et ça me fait froid dans le dos.
Je ne dis pas que MLP va être élue au premier tour. Je pose simplement une question…